Dans l’ADN du poisson, tout pour faire des doigts

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Article et images source:sciencesetavenir.fr

7581360832290 (1)Par Erwan Lecomte

Une équipe de chercheurs a fait un pas important dans la compréhension des mécanismes qui ont permis à la vie, aquatique dans un premier temps, de coloniser la terre ferme.

QUESTION. Les poissons ont-ils des doigts ? La réponse à cette question est moins évidente qu’il y paraît. La preuve : elle divise les scientifiques depuis une quinzaine d’années.

D’un côté il y a ceux qui défendent l’hypothèse que les rayons qui constituent l’ossature des nageoires des poissons sont des structures homologues à celles des doigts des animaux terrestres. En d’autres termes : ces « doigts » rudimentaires des poissons que l’on retrouve sous une forme bien plus évoluée chez les tétrapodes (les animaux à quatre membres tels que les amphibiens, les reptiles, les mammifères et les oiseaux) sont l’héritage d’un ancêtre commun.

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Le squelette d’un poisson. Source : http://www.infovisual.info/

« GÈNES ARCHITECTES ». Mais d’autres scientifiques considèrent que ces structures osseuses qui rayonnent à l’extrémité des nageoires n’ont rien à voir avec des doigts. Pour eux, les doigts sont apparus avec les tétrapodes, sans doute peu de temps après que ces derniers aient posé leurs proto-pattes hors de l’eau.

Denis Duboule, professeur à l’université de Genève et à l’École Polytechnique fédérale de Lausanne faisait, jusqu’à il y a peu, partie de la seconde catégorie. Et pour vérifier ses arguments, le chercheur s’est lancé avec son équipe dans une étude des mécanismes génétiques qui régissent l’apparition des pattes, afin d’en percer les arcanes. Il s’est donc intéressé à la manière dont étaient organisés une série de gènes dits « architectes » qui constituent le véritable plan de montage des êtres vivants.

Un kit génétique commun

« On sait, chez la souris, que ces gènes architectes sont organisés d’une manière bien particulière, nous a expliqué le professeur Duboule. L’année dernière, nous avions montré que la molécule d’ADN formait, par endroits, des sortes de petites pelotes longues d’un à 2 millions de paires de bases. Or nous avons constaté que chacune de ces pelotes constituait une unité autonome. Un peu comme un atelier spécialisé au sein d’une vaste chaine de montage ».

« PELOTES ». Et les gènes architectes qui régissent la forme de la patte de la souris ne font pas exception à la règle. Ils sont constitués de deux « pelotes » côte à côte. L’une est responsable de la formation du bras, et la seconde de la patte et des doigts.

« Nous sommes donc tout simplement allés voir si on retrouvait ces deux « pelotes » dans les gènes architectes des poissons » poursuit Denis Duboule. Et pour le chercheur, la surprise fut de taille. Leur sujet d’étude, le poisson-zèbre, présente lui aussi une « structure bimodale tridimensionnelle » (le terme scientifique désignant ces « pelotes ») de l’ADN. Autrement dit : les poissons disposent eux aussi du « kit génétique«  nécessaire pour fabriquer des doigts. Et ce kit est un héritage d’un ancêtre commun.

La modernisation de l’existant

Mais alors, si les poissons et les tétrapodes sont tous deux équipés des outils génétiques leur permettant de développer des pattes, comment se fait-il que les poissons n’en développent pas ? Pour le savoir, l’équipe du professeur Duboule s’est livrée à une expérience insolite.

crédit: sciences&avenir

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Expression des gènes Hox de poisson dans un embryon de souris

Ces résultats suggèrent que la transition entre les nageoires et des membres pourvus de doigts résultent de la « modernisation » d’un mécanisme de régulation déjà existant, expliquent les chercheurs dans leurs travaux publiés ce mois-ci dans la revue PLoS Biology. Il s’agit d’une transformation d’une pelote ‘bras’ en une ‘pelote’ doigts.

Autrement dit : la transformation des nageoires en pattes tient plus de la pichenette (un détournement évolutif) que d’une totale réinvention de l’organe locomoteur. Reste que les mécanismes génétiques qui activent les gènes responsables de la fabrication de véritables doigts demeurent pour l’instant inconnus. Mais ce terrain d’investigation pourrait s’avérer prometteur pour comprendre, par exemple, l’origine de certaines malformations des membres.

Source

geyser

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Mise à jour investigations océanographique et oanis, le:23/01/2014 à : 10h40.

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